Ainsi ai-je entendu : une fois, le Bienheureux séjournait au parc d’Anāthapiṇḍika, dans le bois de Jèta, près de la ville de Sāvatthi. En ce temps-là, un jour, il s’adressa aux bhikkhus en disant : « Ô bhikkhus ». « Vénéré », répondirent ces bhikkhus au Bienheureux.

Le Bienheureux dit : « Autrefois, ô bhikkhus, quand j’étais encore un bōdhisatta qui n’avait pas atteint l’Éveil parfait, il me vint cette idée : “Il serait bon que je fasse le tri de mes pensées en deux groupes”. Ainsi, ô bhikkhus, j’ai fait un groupe avec des pensées sensuelles, des pensées malveillantes et des pensées méchantes ; ensuite, avec des pensées non sensuelles, des pensées bienveillantes et des pensées non méchantes, j’ai fait un deuxième groupe.

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée sensuelle. Alors, moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici une pensée sensuelle qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui m’apporte le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui apporte le mal aux autres. Elle constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres. Elle est un élément qui détruit l’intelligence. Elle se situe du côté des dégâts. Elle constitue un élément contraire au nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici une pensée sensuelle qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui apporte le mal à moi-même”, cette pensée sensuelle s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée sensuelle constitue un élément qui apporte le mal aux autres”, cette pensée sensuelle s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée sensuelle constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres”, cette pensée sensuelle s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée sensuelle constitue un élément qui détruit l’intelligence”, cette pensée sensuelle s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée sensuelle se situe du côté des dégâts”, cette pensée sensuelle s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée sensuelle constitue un élément contraire au nibbāna”, cette pensée sensuelle s’estompait. De cette façon, ô bhikkhus, j’ai éloigné, repoussé, éliminé la pensée sensuelle chaque fois qu’elle est survenue.

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée malveillante. Alors, moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici une pensée malveillante qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui apporte le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui apporte le mal aux autres. Elle constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres. Elle est un élément qui détruit l’intelligence. Elle se situe du côté des dégâts. Elle constitue un élément contraire au nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée malveillante survient chez moi. Elle constitue un élément qui apporte le mal à moi-même”, cette pensée malveillante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée malveillante constitue un élément qui apporte le mal aux autres”, cette pensée malveillante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée malveillante constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres”, cette pensée malveillante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée malveillante constitue un élément qui détruit l’intelligence”, cette pensée malveillante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée malveillante se situe du côté des dégâts”, cette pensée malveillante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée malveillante constitue un élément contraire au nibbāna”, cette pensée malveillante s’estompait. De cette façon, ô bhikkhus, j’ai éloigné, repoussé, éliminé la pensée malveillante chaque fois qu’elle est survenue.

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée méchante. Alors, moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici une pensée méchante qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui apporte le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui apporte le mal aux autres. Elle constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres. Elle est un élément qui détruit l’intelligence. Elle se situe du côté des dégâts. Elle constitue un élément contraire au nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée méchante qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui apporte le mal à moi-même”, cette pensée méchante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée méchante constitue un élément qui apporte le mal aux autres”, cette pensée méchante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée méchante constitue un élément qui apporte le mal à la fois à moi-même et aux autres”, cette pensée méchante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée méchante constitue un élément qui détruit l’intelligence”, cette pensée méchante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée méchante se situe du côté des dégâts”, cette pensée méchante s’estompait. Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “La pensée méchante constitue un élément contraire au nibbāna”, cette pensée méchante s’estompait. De cette façon, ô bhikkhus, j’ai éloigné, repoussé, éliminé la pensée méchante chaque fois qu’elle est survenue.

Ô bhikkhus, si un bhikkhu suit et chérit telle ou telle pensée encore et encore et souvent, le mental penche vers cette pensée. S’il suit et chérit une pensée sensuelle encore et encore et souvent, il repousse la pensée qui va contre la sensualité, mais il multiplie la pensée sensuelle. Ainsi son mental reste obéissant à cette pensée sensuelle. S’il suit et chérit une pensée malveillante encore et encore et souvent, il repousse la pensée bienveillante, mais il multiplie la pensée malveillante. Ainsi son mental reste obéissant à l’égard de cette pensée malveillante. S’il suit et chérit une pensée méchante encore et encore et souvent, il repousse la pensée non violente, mais il multiplie la pensée méchante. Ainsi son mental reste obéissant à l’égard de cette pensée méchante.

Supposons, ô bhikkhus, qu’un vacher garde son troupeau pendant le dernier mois de la saison des pluies, à l’automne, lorsque les champs sont en état de s’épaissir. Il frappe les vaches avec sa canne, il les frappe haut et bas ; il empêche leur dispersion ; il les contrôle pour éviter leur dispersion ici et là. Pourquoi ? Parce qu’il voit le danger éventuel d’une punition corporelle, ou un emprisonnement, ou une amende ou une insulte envers lui s’il n’a pas contrôlé correctement les vaches. De même, ô bhikkhus, j’ai vu les désavantages de la vanité et des impuretés qui se trouvent dans les pensées inefficaces, les pensées négatives, et aussi, j’ai vu les avantages, la valeur et la pureté qui se trouvent dans les pensées efficaces, et l’avantage ainsi que le côté pur des pensées qui vont contre la sensualité.

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée libérée du désir sensuel. Alors, moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici, une pensée dépourvue du désir sensuel qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée dépourvue du désir sensuel qui survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna”, je suivais, je chérissais cette pensée libérée du désir sensuel encore et encore aussi dans la nuit. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée contre la sensualité encore et encore, aussi dans la journée. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée contre la sensualité encore et encore, et aussi bien des nuits entières que des jours entiers. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Toutefois, je pensais qu’il serait possible que mon corps soit fatigué lorsque je suivais et chérissais ainsi la pensée dépourvue du désir sensuel tellement longtemps ; il serait possible que, lorsque le corps est fatigué, le mental fût dérangé ; il serait possible que, lorsque le mental est dérangé, la concentration fût éloignée du mental. Alors, moi, ô bhikkhus, j’intériorisais le mental ; je l’établissais ; je le calmais bien ; je le concentrais bien ; je l’unifiais bien. Pour quelle raison ? J’avais ce souhait : “Que mon mental ne soit pas dérangé.”

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée dépourvue de malveillance. Alors moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici, une pensée dépourvue de malveillance survient chez moi. Elle constitue un élément qui ne m’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte le mal ni à moi-même ni aux autres.

Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée dépourvue de malveillance survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal ni à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée dépourvue de violence survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte le mal ni à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna”, je suivais, je chérissais cette pensée dépourvue de malveillance encore et encore, aussi dans la nuit. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée bienveillante encore et encore aussi dans la journée. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée non malveillante encore et encore, aussi bien des nuits entières que des jours entiers. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Toutefois, je pensais qu’il serait possible que mon corps soit fatigué lorsque je suivais et chérissais ainsi la pensée dépourvue de malveillance tellement longtemps ; il serait possible que lorsque le corps est fatigué, le mental fût dérangé ; il serait possible que lorsque le mental est dérangé, la concentration fût éloignée du mental. Alors, moi, ô bhikkhus, j’intériorisais le mental ; je l’établissais bien ; je le calmais bien ; je le concentrais bien ; je l’unifiais bien. Pour quelle raison ? J’avais ce souhait : “Que mon mental ne soit pas dérangé.”

Ô bhikkhus, alors que j’étais vigilant et diligent, faisant effort pour brûler les souillures mentales, parfois survenait chez moi une pensée dépourvue de violence. Alors moi, je la reconnaissais tout de suite en me disant : “Voici, une pensée dépourvue de violence survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte le mal ni à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna.” Lorsque, ô bhikkhus, je réfléchissais : “Voici, une pensée dépourvue de violence survient chez moi. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal à moi-même. Elle constitue un élément qui n’apporte pas le mal aux autres. Elle constitue un élément qui n’apporte le mal ni à moi-même ni aux autres. Elle est un élément qui améliore l’intelligence. Elle se situe du côté des non-dégâts. Elle constitue un élément qui dirige vers le nibbāna”, je suivais, je chérissais cette pensée dépourvue de violence encore et encore aussi dans la nuit. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée dépourvue de violence encore et encore aussi dans la journée. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Je suivais, je chérissais cette pensée dépourvue de violence encore et encore aussi bien des nuits entières que des jours entiers. Pour faire cela je n’avais aucune peur. Toutefois, je pensais qu’il serait possible que mon corps soit fatigué lorsque je suivais et chérissais ainsi la pensée dépourvue de violence tellement longtemps ; il serait possible que lorsque le corps est fatigué, le mental fût dérangé ; il serait possible que lorsque le mental est dérangé, la concentration fût éloignée du mental. Alors, moi, ô bhikkhus, j’intériorisais le mental ; je l’établissais bien ; je le calmais bien ; je le concentrais bien ; je l’unifiais bien. Pour quelle raison ? J’avais ce souhait : Que mon mental ne soit pas dérangé.”

Ô bhikkhus, si un bhikkhu suit et chérit telle ou telle pensée encore et encore et souvent, son mental penche vers cette pensée. S’il suit et chérit une pensée libérée du désir sensuel, encore et encore et souvent, il repousse la pensée sensuelle, mais il multiplie la pensée dépourvue de désir sensuel. Ainsi, son mental reste obéissant à l’égard de cette pensée dépourvue du désir sensuel. S’il suit et chérit une pensée dépourvue de malveillance, encore et encore et souvent, il repousse la pensée malveillante, mais il multiplie la pensée dépourvue de malveillance. Ainsi, son mental reste obéissant à l’égard de cette pensée dépourvue de malveillance. S’il suit et chérit une pensée dépourvue de violence, encore et encore et souvent, il repousse la pensée violente, mais il multiplie la pensée dépourvue de violence. Ainsi son mental reste obéissant à l’égard de cette pensée dépourvue de violence.

Supposons, ô bhikkhus, qu’un vacher garde son troupeau pendant le dernier mois de la saison chaude, lorsque toutes les récoltes sont ramassées dans le village. Étant au pied d’un arbre ou en plein air, ce vacher est attentif en se disant tout simplement : “Voici des vaches.” De même, ô bhikkhus, moi, je rappelais avec attention tout simplement : “Voici des éléments mentaux.”

Chez moi, ô bhikkhus, l’effort était en vigueur, alors il n’était pas en état de repos ; l’attention était présente, alors elle n’était pas dans l’égarement ; le corpus physique et mental était calmé, alors il n’était pas dans l’état agité ; la pensée était apaisée, alors elle était dans l’état unifié. Ainsi, ô bhikkhus, moi, m’étant séparé du désir, m’étant séparé des pensées inefficaces, je suis entré et demeurai dans le premier jhāna dépourvu de raisonnement et de réflexion, qui est joie et bonheur, né de la séparation des choses mauvaises. Ensuite, ayant mis fin au raisonnement et à la réflexion, je suis entré et demeurai dans le deuxième jhāna qui est apaisement intérieur, unification de la pensée, qui est dépourvu de raisonnement et de réflexion, né de la concentration et qui consiste en bonheur. Puis, en me détournant du bonheur, je vis dans l’indifférence, conscient et vigilant, je ressens dans mon corps le bonheur pur de sorte que les êtres nobles désignent cela : “Celui qui, indifférent et attentif, demeure heureux” ; je suis entré et demeurai dans le troisième jhāna. Ensuite, m’étant débarrassé du bonheur et m’étant débarrassé de la peine, ayant supprimé la gaieté et la tristesse antérieures, je suis entré et demeurai dans le quatrième jhāna où ne sont ni plaisir ni douleur, mais qui est pureté parfaite d’attention et d’indifférence.

Lorsque ma pensée fut bien réglée, bien purifiée, sans défaut, sans souillure, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “connaissance qui permet de se rappeler les demeures antérieures.” Ainsi, j’ai rappelé mes demeures antérieures, à savoir : une naissance, deux naissances, trois naissances, quatre naissances, cinq naissances, dix naissances, vingt naissances, trente naissances, quarante naissances, cinquante naissances, cent naissances, mille naissances, cent mille naissances [et je me suis rappelé] diverses périodes d’intégration, diverses périodes de désintégration et je pouvais me rappeler mes propres demeures antérieures avec leurs traits, avec le détail des faits de la manière suivante : “En ce temps-là j’avais tel nom, telle famille, telle caste, tel mode de nourriture, j’éprouvai tel plaisir et telle souffrance, j’atteignis tel âge. Alors, étant sorti de cette existence-là, j’accédai à cette autre. Là encore j’avais tel nom, telle famille, telle caste, tel mode de nourriture, j’éprouvai tel plaisir et telle souffrance, j’atteignis tel âge. Alors étant sorti de cette existence-là, j’accédai à cette autre, et ainsi de suite.” J’ai rappelé ainsi les demeures antérieures avec tous leurs détails et dans toute leur diversité.

De cette façon, ô bhikkhus, dans la première phase de la nuit, se produisit chez moi cette première science. La non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeurerait attentif, ardent et résolu.

Ensuite, lorsque ma pensée fut bien réglée, bien purifiée, sans défauts, sans souillures, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “connaissance qui permet de voir la disparition et l’apparition des êtres.” Ainsi, avec mon œil surhumain purifié qui dépasse la capacité de l’œil humain, je voyais les êtres qui sortaient d’ici et qui renaissaient ailleurs, et je reconnaissais comment les êtres sont bas ou élevés, beaux ou laids, heureux ou malheureux d’après les actes qu’ils ont commis : “Ces honorables êtres vivants ayant une mauvaise conduite par le corps, ayant une mauvaise conduite par la parole, ayant une mauvaise conduite par la pensée, ont insulté les êtres nobles, avaient des opinions fausses, ont pratiqué des actes suivant ces opinions fausses et, par conséquent, après la dislocation du corps, après la mort, ils sont nés dans la déchéance, dans les destinations mauvaises, dans les états ruinés, dans le niraya. Cependant, ces honorables êtres ayant une bonne conduite par le corps, ayant une bonne conduite par la parole, ayant une bonne conduite par la pensée, n’ont pas insulté les êtres nobles, avaient des opinions correctes, ont pratiqué des actes suivant ces opinions correctes et, par conséquent, après la dislocation du corps, après la mort, ils sont nés dans des destinations bonnes, dans des états célestes.” J’ai reconnu ainsi, par l’œil surhumain purifié qui dépasse la capacité de l’œil humain, comment les êtres sont bas ou élevés, beaux ou laids, heureux ou malheureux d’après les actes qu’ils ont commis.

De cette façon, ô bhikkhus, dans la deuxième phase de la nuit, se produisit chez moi cette deuxième science. Ainsi, la non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeurerait attentif, ardent et résolu.

Lorsque ma pensée fut bien réglée, bien purifiée, sans défaut, sans souillure, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “connaissance qui permet d’éliminer les écoulements mentaux toxiques.” Ainsi, j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est dukkha” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est l’apparition de dukkha” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la cessation de dukkha ” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la voie vers la cessation de dukkha ” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci sont les écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est l’origine des écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la cessation des écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la voie vers la cessation des écoulements mentaux toxiques”. Lorsque j’ai reconnu cela, lorsque j’ai vu cela, ma pensée était libérée de l’écoulement mental toxique dit “désir” ; de même ma pensée était libérée de l’écoulement mental toxique dit “volonté de devenir” ; ma pensée était libérée de l’écoulement mental toxique dit “ignorance.” Lorsque ma pensée fut libérée, la connaissance se produisit : “Voici la libération”. J’ai reconnu : “Toute naissance nouvelle est anéantie. La conduite sublime est vécue. Ce qui doit être achevé est achevé ; plus rien ne demeure à accomplir”.

De cette façon, ô bhikkhus, dans la troisième phase de la nuit, se produisit chez moi cette troisième science. La non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeurerait attentif, ardent et résolu.

Supposons, ô bhikkhus, qu’il y ait un grand étang dont l’eau n’est pas très profonde, situé dans l’ombre de la forêt, et qu’un grand troupeau de daims vive auprès de cet étang. Un homme qui veut faire mal à ce troupeau de daims, qui souhaite le mal-être de ce troupeau de daims, qui souhaite apporter la peur à ce troupeau de daims, y arrive. S’il y a une voie agréable pour les déplacements des daims, il la ferme. Il ouvre une voie dangereuse. Il place un piège (pour tromper les daims) ; ou bien il place un daim femelle pour tromper les daims. De cette façon, ô bhikkhus, ce grand troupeau de daims arrive à une situation calamiteuse et à la disparition. En revanche, ô bhikkhus, supposons qu’un homme qui ne veut faire aucun mal à ce grand troupeau de daims, qui souhaite le bien-être de ce grand troupeau de daims, qui souhaite faire disparaître la peur à ce grand troupeau de daims, y arrive. S’il y a une voie paisible, agréable et plaisante pour les déplacements des daims, il l’ouvre. S’il y a une voie dangereuse il la ferme. Il détruit le piège, il renvoie le daim femelle qui pourrait tromper les daims. De cette façon, ô bhikkhus, ce grand troupeau de daims arrive à un progrès, au développement et à une large propagation.

Ô bhikkhus, j’ai présenté cette parabole pour vous désigner le sens suivant : “Le grand étang” est un autre nom pour les “plaisirs sensuels” ; “Le grand troupeau de daims” est un autre nom pour les “êtres vivants” ; “L’homme qui veut faire mal à ce troupeau de daims, qui souhaite le mal-être de ce troupeau de daims, qui souhaite apporter la peur à ce troupeau de daims” est un autre nom pour le “Māra, le méchant”. “La voie dangereuse” est un autre nom pour “la mauvaise voie octuple qui se compose de la vue incorrecte, de la pensée incorrecte, de la parole incorrecte, de l’action incorrecte, du moyen d’existence incorrect, de l’effort incorrect, de l’attention incorrecte et de la concentration mentale incorrecte”. “Un piège” est un autre nom pour “attachement passionné”. “Un daim femelle” est un autre nom pour “ignorance”.

“L’homme qui ne veut faire aucun mal à ce troupeau de daims, qui souhaite le bien-être de ce troupeau de daims, qui souhaite faire disparaître la peur de ce troupeau de daims” est un autre nom pour le “Tathāgata, qui est l’Arahat et l’Éveillé parfait”. “La voie paisible, agréable et plaisante” est un autre nom pour la “Noble voie octuple qui se compose de la vue correcte, de la pensée correcte, de la parole correcte, de l’action correcte, du moyen d’existence correct, de l’effort correct, de l’attention correcte et de la concentration mentale correcte”.

« Ainsi, ô bhikkhus, “la voie paisible, agréable et plaisante” a été ouverte par moi. “Le piège” a été détruit. “Le daim femelle” a été anéanti. Ô bhikkhus, ce qu’un maître doit faire pour ses disciples, ce qu’un maître rempli de compassion et qui souhaite leur bonheur et leur bien-être doit faire, je l’ai fait pour vous. Voici, ô bhikkhus, les pieds d’arbres, voici les lieux isolés et tranquilles. Faites progresser votre mental, ô bhikkhus, ne soyez pas négligents, n’ayez pas de regrets plus tard. Ceci est mon conseil pour vous tous. »

Ainsi parla le Bienheureux. Les bhikkhus, heureux, se réjouirent des paroles du Bienheureux.

The Middle Discourses

|_A. The First Fifty

|__II. The Chapter on the Lion’s Roar

MN19. Des pensées de deux sortes

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