Ainsi ai-je entendu : une fois le Bienheureux séjournait dans le parc d’Anāthapiṇḍika situé au bois de Jeta, près de la ville de Sāvatthi.

En ce temps-là, un jour, le brāhmane Jāṇussōṇi s’approcha de l’endroit où se trouvait le Bienheureux. S’étant approché, il échangea avec le Bienheureux des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, puis il s’assit à l’écart sur un côté. S’étant assis à l’écart sur un côté, le brāhmane Jāṇussōṇi dit au Bienheureux : « Tels et tels fils de famille, honorable Gōtama, pourvus de confiance sereine, quittent la vie du foyer pour vivre sans foyer auprès de l’honorable Gōtama. L’honorable Gōtama reste pour eux le modèle. L’honorable Gōtama les aide beaucoup. L’honorable Gōtama les entraîne dans les bons principes. Aussi ces gens-là parviennent-ils au mode de pensée de l’honorable Gōtama. »

Le Bienheureux dit : « C’est vrai, ô brāhmane ; c’est vrai, ô brāhmane. Tels et tels fils de famille, pourvus de confiance sereine, quittent la vie du foyer pour vivre sans foyer auprès de moi. Je reste pour eux le modèle. Je les aide beaucoup. Je les entraîne dans les bons principes. Aussi ces gens-là parviennent-ils à mon mode de pensée.

– Cependant, honorable Gōtama, vivre dans des lieux tels que les lointaines forêts et les jungles n’est pas facile ; vivre loin de la foule n’est pas facile ; rester attaché à la concentration mentale n’est pas facile. Je pense que les forêts troublent la pensée du bhikkhu qui n’a pas obtenu une concentration mentale.

– C’est vrai, ô brāhmane ; c’est vrai, ô brāhmane. Vivre dans des lieux tels que les lointaines forêts et les jungles n’est pas facile ; vivre loin de la foule n’est pas facile ; rester attaché à la concentration mentale n’est pas facile. Je pense que les forêts troublent la pensée du bhikkhu qui n’a pas obtenu une concentration mentale. Pour moi aussi, ô brāhmane, autrefois, quand j’étais encore un bōdhisatta qui n’avait pas encore atteint l’Éveil parfait, il me vint cette idée : “Vivre dans des lieux tels que les lointaines forêts et les jungles, vivre loin de la foule n’est pas facile ; rester attaché à la concentration mentale n’est pas facile. Je pense que les forêts troublent la pensée du bhikkhu qui n’a pas obtenu une concentration mentale.”

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus d’actions corporelles impures vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leurs actions corporelles impures. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu des actions corporelles impures. Au contraire, je suis pourvu des actions corporelles pures. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant pourvu des actions corporelles pures.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi les actions corporelles pures, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus d’actions verbales impures vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leurs actions verbales impures. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu des actions verbales impures. Au contraire, je suis pourvu des actions verbales pures. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant pourvu des actions verbales pures.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi les actions verbales pures, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus d’actions mentales impures vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leurs actions mentales impures. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu des actions mentales impures. Au contraire, je suis pourvu des actions mentales pures. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant pourvu des actions verbales pures.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi les actions mentales pures, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus d’un moyen d’existence impur vivent dans les forêts et dans les jungles ; ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leurs moyen d’existence impurs. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu d’un moyen d’existence impur. Au contraire, je suis pourvu d’un moyen d’existence pur. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant pourvu d’un moyen d’existence pur.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi le moyen d’existence pur, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus d’une grande avidité et d’un attachement aigu aux choses sensuelles vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur grande avidité et de leur attachement aigu aux choses sensuelles. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu de la grande avidité et de l’attachement aigu aux choses sensuelles. Au contraire, je suis dépourvu de la grande avidité et de l’attachement aigu aux choses sensuelles. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant dépourvu de la grande avidité et de l’attachement aigu aux choses sensuelles.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence de grande avidité et de l’attachement aigu aux choses sensuelles, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus de la malveillance accompagnée d’une pensée polluée vivent dans les forêts et dans les jungles ; ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur malveillance accompagnée d’une pensée polluée. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu de la malveillance accompagnée d’une pensée polluée. Au contraire, je suis pourvu de bienveillance accompagnée d’une pensée non polluée. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant dépourvu de la malveillance accompagnée d’une pensée polluée.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence de la malveillance accompagnée d’une pensée polluée, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus de torpeur physique et mentale et de langueur vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de la torpeur physique et mentale et de la langueur. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu de torpeur physique et mentale, et de la langueur. Au contraire, je suis dépourvu de la torpeur physique et mentale, et de la langueur. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant dépourvu de la torpeur physique et mentale et de la langueur.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence de la torpeur physique et mentale et de la langueur, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes pourvus de l’inquiétude et du tracas de la pensée vivent dans les forêts et dans les jungles, et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de l’inquiétude et du tracas de la pensée. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu de l’inquiétude et du tracas de la pensée. Au contraire, je suis dépourvu de l’inquiétude et du tracas de la pensée. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, étant dépourvu de l’inquiétude et du tracas de la pensée.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence de l’inquiétude et du tracas de la pensée, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels et tels samanas et brāhmanes pourvus du doute vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux les choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur doute. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu du doute. Au contraire, je suis dépourvu du doute. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, ayant traversé le doute.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu que, moi, j’avais traversé le doute, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui sont pleins d’exaltation pour eux-mêmes et de mépris pour autrui vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur exaltation pour eux-mêmes et de leur mépris pour autrui. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant pourvu d’exaltation pour moi-même et de mépris pour autrui. Au contraire, je suis dépourvu d’exaltation pour moi-même et de mépris pour autrui. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, sans exaltation pour soi-même et de mépris pour autrui.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence d’exaltation pour moi-même et de mépris pour autrui, je suis arrivé moi-même davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui ont une tendance craintive et peureuse vivent dans les forêts et dans les jungles, et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur tendance craintive et peureuse. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, ayant une tendance craintive et peureuse. Au contraire, je suis dépourvu d’une tendance qui fait hérisser les poils. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, dépourvu d’une tendance qui fait hérisser les poils.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi l’absence d’une tendance qui fait hérisser les poils, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui sont avides de gain, de gloire, et de dons accompagnés de vénération, vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux les choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur avidité pour le gain, la gloire, et les dons accompagnés de vénération. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, pourvu d’une avidité pour le gain, la gloire, et les dons accompagnés de vénération. Au contraire, je suis pourvu seulement de peu de besoins. Je suis quelqu’un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, pourvu seulement de peu de besoins.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi la présence de peu de besoins seulement, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui sont paresseux et manquent d’énergie vivent dans les forêts et dans les jungles et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur indolence et de leur manque d’énergie. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, étant paresseux et sans énergie. Au contraire, je suis pourvu d’effort énergique. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, pourvu d’effort énergique.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi la présence d’effort énergique, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui sont sots, dépourvus d’une pensée attentive, vivent dans les forêts et dans les jungles, et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur sottise et de leur inattention. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts et dans les jungles, étant sot ou inattentif. Au contraire, j’ai une pensée attentive. Je suis un de ces êtres nobles qui vivent dans les forêts et dans les jungles, pourvu d’une pensée attentive.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi la présence d’une pensée attentive, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels et tels samanas et brāhmanes qui ont une pensée non apaisée et dispersée vivent dans les forêts et dans les jungles, et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux des choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur pensée non apaisée et dispersée. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, ayant une pensée non apaisée et dispersée. Au contraire, j’ai une pensée apaisée et concentrée. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, pourvu d’une pensée concentrée.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi la présence d’une pensée concentrée, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Tels samanas et tels brāhmanes qui sont dépourvus d’intelligence, qui sont semblables aux sourds et muets, vivent dans les forêts et dans les jungles, et ces honorables samanas et brāhmanes attirent vers eux les choses inefficaces telles que la crainte et la terreur profonde, à cause de leur non-intelligence, leur similitude aux sourds et muets. Quant à moi, je ne vis pas dans les forêts ni dans les jungles, sans intelligence. Au contraire, je suis pourvu de l’intelligence. Je suis un de ces nobles êtres qui vivent dans les forêts et dans les jungles, pourvu de l’intelligence.” De cette façon, ô brāhmane, lorsque j’ai vu chez moi la présence de l’intelligence, je suis arrivé davantage à un état où “les poils restent sans se hérisser” pour vivre dans les forêts.

En outre, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Ce serait bien si je demeurais dans les lieux sacrés situés auprès de parcs, de forêts, de grands arbres, qui sont terrifiants et font hérisser les poils, dans les nuits bien considérées et bien connues comme quatorzième, quinzième et huitième [du mois] ! Ce serait bien si je voyais des signes horribles et effrayants qui se produisent pendant ces nuits !” Alors, moi, ô brāhmane, je demeurais dans ces lieux sacrés situés auprès de parcs, de forêts, de grands arbres, qui sont terrifiants et qui font hérisser les poils, pendant les nuits bien considérées et bien connues comme quatorzième, quinzième et huitième. Quand je demeurais ainsi, un quelconque animal arrivait vers moi, ou bien, un quelconque oiseau faisait tomber une branche sèche, ou bien le vent faisait tomber une feuille sèche. À ce moment-là, je me disais : “Le voilà, c’est sûrement le signe horrible et effrayant qui arrive.”

Alors, ô brāhmane, il me vint cette idée : “Pourquoi, en réalité, est-ce que je vis dans ces lieux en attendant la crainte ? Lorsqu’une crainte survient quand je suis dans l’une ou l’autre posture, il faut que j’élimine cette crainte tout en restant dans la même posture.” Dès lors, ô brāhmane, s’il m’arrivait une crainte lorsque j’étais en train de faire cent pas, je ne m’arrêtais pas jusqu’à ce que j’aie éliminé cette crainte, tout en faisant les cent pas. S’il m’arrivait une crainte lorsque je m’étais arrêté, je ne commençais jamais à faire les cent pas, ni à m’asseoir, ni à m’allonger, jusqu’à ce que j’aie éliminé cette crainte, tout en restant arrêté. S’il m’arrivait une crainte lorsque j’étais assis, je ne me mettais pas debout, ni ne commençais à faire les cent pas, ni ne m’allongeais, jusqu’à ce que j’aie éliminé cette crainte, tout en étant assis.

Il y a, ô brāhmane, certains samanas et brāhmanes qui conçoivent le jour comme la nuit, et aussi il existe ceux qui conçoivent la nuit comme le jour. Je peux dire que cela vient d’une illusion dans laquelle demeurent ces samanas et ces brāhmanes. Quant à moi, ô brāhmane, je concevais le jour comme le jour et la nuit comme la nuit. Ô brāhmane, si l’on peut dire véridiquement à propos de quelqu’un : “Un être, qui a le tempérament de ne pas être trompé, naît dans le monde, pour le bonheur de beaucoup de gens, pour le bien-être de beaucoup de gens, pour le bénéfice, pour le bien-être, pour le bonheur des dieux et des humains”, c’est à propos de moi qu’on peut dire véridiquement : “Un être, qui a le tempérament de ne pas être trompé, naît dans le monde, pour le bonheur de beaucoup de gens, pour le bien-être de beaucoup de monde, pour le bénéfice, pour le bien-être, pour le bonheur des dieux et des humains.”

Chez moi, ô brāhmane, l’effort était en vigueur, alors il n’était pas en état de repos ; l’attention était présente, alors elle n’était pas dans l’égarement. Le corpus physique et mental était calmé, alors il n’était pas dans l’état agité ; la pensée était apaisée, alors elle était dans l’état unifié. Ainsi, ô brāhmane, moi, m’étant séparé du désir, m’étant séparé des pensées inefficaces, j’entrai et je demeurai dans le premier jhāna pourvu de raisonnement et de réflexion, qui est joie et bonheur, né de la séparation des choses mauvaises. Ensuite, ayant mis fin au raisonnement et à la réflexion, j’entrai et je demeurai dans le deuxième jhāna qui est apaisement intérieur, unification de la pensée, qui est dépourvu de raisonnement et de réflexion, né de la concentration et qui consiste en bonheur. Puis, en me détournant du bonheur, je vivais dans l’indifférence, conscient et vigilant, je ressentais dans mon corps le bonheur pur, de sorte que j’étais celui que les êtres nobles appellent : “Celui qui, indifférent et attentif, demeure heureux” ; je suis entré et ai demeuré dans le troisième jhāna. Ensuite, m’étant débarrassé du bonheur et m’étant débarrassé de la peine, ayant supprimé la gaieté et la tristesse antérieures, j’entrai et je demeurai dans le quatrième jhāna où ne sont ni plaisir ni douleur, mais qui est pureté parfaite d’attention et d’indifférence.

Lorsque ma pensée fut ainsi concentrée, ainsi purifiée, sans défaut, sans souillure, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “la connaissance qui permet de se rappeler des demeures antérieures.” Ainsi, je me suis rappelé mes demeures antérieures, à savoir : une naissance, deux naissances, trois naissances, quatre naissances, cinq naissances, dix naissances, vingt naissances, trente naissances, quarante naissances, cinquante naissances, cent naissances, mille naissances, cent mille naissances, [et je me suis rappelé] diverses périodes d’intégration, diverses périodes de désintégration et je peux me rappeler de mes propres demeures antérieures avec leurs traits, avec le détail des faits de la manière suivante : “En ce temps-là, j’avais tel nom, telle famille, telle caste, tel mode de nourriture, j’éprouvai tel plaisir et telle souffrance, j’atteignis tel âge. Alors étant sorti de cette existence-là, j’accédai à cette autre. Là encore j’avais tel nom, telle famille, telle caste, tel mode de nourriture, j’éprouvai tel plaisir et telle souffrance, j’atteignis tel âge. Alors étant sorti de cette existence-là, j’accédai à cette autre, et ainsi de suite.”

De cette façon, ô brāhmane, dans la première phase de la nuit, se produisit chez moi cette première science. La non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeure attentif, ardent et résolu.

Ensuite, lorsque ma pensée fut ainsi concentrée, ainsi purifiée, sans défauts, sans souillures, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “la connaissance qui permet de voir la disparition et l’apparition des êtres.” Ainsi, avec mon œil surhumain purifié qui dépasse la qualité humaine, je voyais les êtres qui sortent d’ici et qui renaissent ailleurs, et je reconnaissais comment les êtres sont bas ou élevés, beaux ou laids, heureux ou malheureux d’après les actes qu’ils ont commis : “Ces honorables êtres vivants ayant une mauvaise conduite par le corps, ayant une mauvaise conduite par la parole, ayant une mauvaise conduite par la pensée, ont insulté les êtres nobles, ont eu des opinions fausses, ont pratiqué des actes suivant ces opinions fausses et par conséquent, après la dislocation du corps, après la mort, ils sont nés dans la déchéance, dans les destinations mauvaises, dans les états ruinés, dans l’enfer. Cependant, ces honorables êtres ayant une bonne conduite par le corps, ayant une bonne conduite par la parole, ayant une bonne conduite par la pensée, n’ont pas insulté des êtres nobles, ont eu des opinions correctes, ont pratiqué des actes suivant ces opinions correctes et par conséquent, après la dislocation du corps, après la mort, ils sont nés dans des destinations bonnes, dans des états célestes.” J’ai reconnu ainsi par l’œil surhumain purifié qui dépasse la qualité humaine, comment les êtres sont bas ou élevés, beaux ou laids, heureux ou malheureux d’après les actes qu’ils ont commis.

De cette façon, ô brāhmane, dans la deuxième phase de la nuit, se produisit chez moi cette deuxième science. Ainsi, la non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeure attentif, ardent et résolu.

Lorsque ma pensée fut ainsi concentrée, ainsi purifiée, sans défaut, sans souillure, bien souple, maniable, stable, arrivée à l’impassibilité, j’ai dirigé ma pensée et je l’ai orientée vers le savoir-faire dit “la connaissance qui permet d’éliminer les écoulements mentaux toxiques”. Ainsi j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est dukkha” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est l’apparition de dukkha” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la cessation de dukkha” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la voie vers la cessation de dukkha”. J’ai reconnu selon la réalité : “Ceci sont les écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est l’origine des écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la cessation des écoulements mentaux toxiques” ; j’ai reconnu selon la réalité : “Ceci est la voie vers la cessation des écoulements mentaux toxiques.” Lorsque j’ai reconnu cela, lorsque j’ai vu cela, ma pensée fut libérée de l’écoulement mental toxique dit “désir” ; de même ma pensée fut libérée de l’écoulement mental toxique dit “volonté de devenir” ; ma pensée fut libérée de l’écoulement mental toxique dit “ignorance”. Lorsque ma pensée fut libérée, la connaissance se produisit : “Voici la libération.” J’ai reconnu : « Toute naissance nouvelle est anéantie. La conduite sublime est vécue. Ce qui doit être achevé est achevé ; plus rien ne demeure à accomplir. »

De cette façon, ô brāhmane, dans la troisième phase de la nuit, se produisit chez moi cette troisième science. La non-science étant dissipée, la science était née ; l’obscurité étant dispersée, la clarté était née, comme il arriverait à celui qui demeure attentif, ardent et résolu.

Maintenant, ô brāhmane, il est possible que cette idée vous vienne : “Le Samana Gōtama n’est toujours pas dépourvu de l’attachement, de l’aversion ni de l’illusion. C’est pourquoi il fréquente les forêts, les jungles et les demeures forestières.” Ô brāhmane, cela ne doit pas être vu ainsi. Si je fréquente les forêts, les jungles et les demeures forestières, c’est pour mon propre confort ici et maintenant et aussi par compassion à l’égard des gens dans les générations futures. »

Enfin, le brāhmane Jāṇussōṇi dit : « Il s’agit que les générations futures soient assujetties à la compassion de l’honorable Gōtama, comme cela doit être fait par un Arahant qui est l’Éveillé parfait. C’est merveilleux, honorable Gōtama, c’est sans précédent, honorable Gōtama ! C’est [vraiment], honorable Gōtama, comme si l’on redressait ce qui a été renversé, découvrait ce qui a été caché, indiquait le chemin à l’égaré ou apportait une lampe à huile dans l’obscurité en pensant “que ceux qui ont des yeux voient les formes”. De même, l’honorable Gōtama a rendu claire la Doctrine de maintes façons. Alors moi, je prends refuge en le Bienheureux, en la Doctrine et en le groupe des bhikkhus. Que l’honorable Gōtama m’admette comme l’un des disciples associés à partir d’aujourd’hui jusqu’à la fin de ma vie, moi qui ai pris refuge en lui. »

The Middle Discourses

|_A. The First Fifty

|__I. The Chapter on the Root of All Things

MN4. Les raisons de la crainte

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